Ascension du Montcalm & de l'Estats (3.077 m & 3.140 m)

Accès routier  : De Tarascon-sur-Ariège, rejoindre Vicdessos par la D8. À Auzat, poursuivre par la D 8 jusqu’à Marc, puis après une épingle prendre à droite la petite route D66 qui mène au Chalet du Montcalm et à son grand parking, où laisse la voiture. Départ à 1.120 m.

Dénivelée  : 2.000 m. Il est conseillé de répartir l’ascension sur deux jours, pour mieux s’imprégner de l’atmosphère pittoresque qui plane sur les plus hautes cimes d’Ariège et de Catalogne.

Horaire : 11 à 12 h.

Difficulté : Montée sans complication jusqu'au refuge du Pinet. Le lendemain, ascension sans difficulté particulière des deux cimes. Itinéraire de haute montagne parfaitement balisé. Traversées d’éboulis et de névés. Bâtons et crampons selon l’enneigement.

Cartographie : Carte n°7 au 1 : 50.000 de Rando Editions (Haute-Ariège).

Bibliographie : Ritter Jean : Le pyrénéisme aux Pyrénées Centrales Maurice Gourdon 1847-1941 (Louveciennes, 2008). Georges Véron : 100 sommets des Pyrénées (Rando Éditions, 2002). Didier Castagnet : 100 sommets des Pyrénées (Rando Éditions, 2007).

« Le Montcalm se donne de grands airs quand on le regarde de Vicdessos, écrivait le vicomte Jean d’Ussel au début du siècle dernier, il se détache avec la fierté d’une pyramide pointue devant la masse ronde de la Plaine ; au Nord de ce pointement, la crête se continue par des dentelures de schistes assez peu praticables et toutes rouges, d’où le nom de Piques Rouges. Du côté de Pujol, le Montcalm ressemble à une pyramide très régulière : on dirait le célèbre Quayrat ; ses granits recouverts de lichens orangés contribuent encore à augmenter la ressemblance avec ce sommet des Pyrénées luchonnaises »

Une pancarte indique le départ du sentier, balisé en jaune, il suit le torrent de l’Artigue, pénètre dans le bois de Fontanal.

On traverse le ruisseau sur un pont de pierre puis s’enfonce sous les frondaisons. On laisse à droite le chemin du port de l’Artigue et du Rouge de Bassiès pour monter énergiquement en forêt. Des trouées nous permettent d’admirer au Nord-Ouest le massif Puntussan/Trois Comtes/Rouge de Bassiès/Cap de Fum.

Au débouché du bois, on s’oriente plein Sud, à travers des prairies suspendues. En fond d’écran, le Cap de la Desse et la Pointe du Montcalm.

Juste après avoir dépassé l’orhi de Pla Nouzère (1.690 m), on parvient à une bifurcation. Les deux sentiers mènent au refuge du Pinet, celui de gauche passe par l’étang Sourd, celui de droite s’en écarte pour s’approcher de deux cabanes au toit de chaume et contourner un énorme piton rocheux : le Pinet.

On s’élève dans les estives où paissent des chevaux et des vaches avant de toucher au refuge (2.242 m) en trois petites heures.

Le lendemain, descendre vers le déversoir de l’étang du Pinet pour prendre pied sur la croupe qui surplombe le vallon encaissé des Guins de l’Aze.

On chemine plein Sud sur des roches moutonnées et des terrasses herbeuses.

Sur notre droite, le talweg des Guins occupé par un long névé qui donne naissance au ruisseau d’Estats. 

À l’altitude 2.350 m, une plaque scellée dans la paroi commémore le décès d’un randonneur disparu dans une avalanche à cet endroit. Paix à son âme.

On parvient au cul-de-sac de l’étang d’Estats (2.415 m), constellé de plaques neigeuses, qui recueille les eaux du Guins de l’Aze (2.970 m).

Virer franchement à l’Est en suivant le balisage pour s’élever dans un large couloir d’éboulis qui mène à l’étang du Montcalm (2.357 m), à la base de la Pointe éponyme qui se mire dans ses eaux limpides.

Contourner l’étang par la droite et continuer la grimpe à travers des talus de roches moutonnées.

On chemine dans un dédale minéral ponctué de ressauts rocailleux, de grandes dalles de granit couvertes de lichens orangé et de névés dont la faible déclivité ne nécessite pas de crampons.

On remonte un goulet de schiste rouge (2.615 m) avant de parvenir à l'orée de grands champs de neige.

Col de la Coumette (2.905 m). Débarquer avec précaution dans la vasque de ruines.

On atteint le col de Riuffret (2.980 m) d’où il est possible d’ascensionner les deux sommets majeurs de la zone : Montcalm & Estats. Vue plongeante sur le canal enneigé de Riuffret, en amont de l’étang de Soulcem, autre itinéraire possible d’ascension.

S’orienter au Sud pour l'Estats, récupérer la sente qui court à flanc, serpente parmi les décombres et les névés en fin de vie avant d'accéder à un collado à cheval sur la frontière situé à droite de la cime.

Un grand cairn sert de repère. Grimper à pleine crête, la sente s’immisce entre les blocs pour nous amener en vue du culmen, dont il ne reste qu’à gravir les ultimes pentes.

On pose avec plaisir la main sur la grande croix métallique de deux mètres de haut où sont noués divers lambeaux de tissu dont le drapeau sang et or catalan. Entre les pierres des Vierges de Montserrat, des sortes d’amulettes, un coffret en fer blanc où on trouve un livre d’or où transcrire ses impressions. Pas de fanions tibétains, ça manque !

3.140 m. On se trouve au faîte de la Catalogne et en tant que tel l’Estats reçoit au cours de l’été de nombreux randonneurs et montagnards catalans. Le Groupe excursionniste de Catalunya y a célébré son centenaire en 2012. En haute saison, il n'est pas rare de croiser des groupes de scouts qui montent fanions à l’épaule. Ambiance bon enfant qui aurait probablement stupéfié le pyrénéiste Jean d’Ussel (1874-1914), qui arpentait en solitaire un terrain seulement connu de quelques bandoliers : « Quel calme en ces hautes régions, mais aussi quelle solitude ! Que l’homme se sent perdu dans ce monde si grandiose ! » En ce 17 juillet, personne, la cime nous appartient. Quand on pense que le Puy du Fou accueille jusqu’à 7.000 touristes par jour, que le port de Marseille voit transiter quotidiennement dix-sept mille croisiéristes, on peut s'estimer heureux. Ici, pas de guichet, pas de file d’attente, la magie de l’instant présent opère à fond.

Difficile de pouvoir jouir d’un plus beau spectacle que celui qui nous est donné ici : Peguere, Punta Alta, Colomers, Besiberri, Aneto, Perdiguère, Mont Rough, Sottlo, Maubermé, Certascan, Monteixo, Ventolau, Valier, Puntussan, Rouge de Bassiès, Canalbona, Casamanya, Estanyo, Tristaina, Font Blanca, Coma Pedrosa, tous les grands sommets d’Andorre, d’Ariège et au-delà répondent présents à l’horizon. Sans parler du Montcalm, autre colosse de la zone, qui plombe l’écran de sa silhouette massive.

D’Ussel, au sommet de la Pica le 26 juin 1899 : « Ce sommet central est coté 3.141 m ; c'est une arête étroite de schistes rouges continuellement labourée par la foudre, désagrégée par le vent et la gelée ; elle porte une tourelle dans laquelle nous trouvons des cartes de visite et un thermomètre espagnol brisé. Le versant français descend en à-pics impressionnants sur le fond de la vallée du Riufred ; les rochers lisses qui s’y montrent nombreux en grandes plaques unies doivent rendre ce côté à peu près impraticable. Le versant espagnol, plus facile, est formé d’une succession de couloirs qui ressemblent étonnamment au versant Sud des Posets. »

À la descente, visite de courtoisie facultative au Verdaguer (3.131 m), ainsi nommé en hommage au Prince des poètes catalan Jacint Verdaguer (1845-1902), auteur notamment de L’Atlantide et de Canigó écrit lors de son ascension du Canigou. Une demi-heure suffit pour y monter et en redescendre.

Pour le Montcalm, redescendre au col Riuffret et enfiler le sentier battu et rebattu par les nombreux excursionnistes qui l'empruntent.

On serpente en lacets dans la caillasse, se rapproche peu à peu des escarpements méridionaux, entrecoupés de lucarnes qui ouvrent des perspectives intéressantes sur le Canalbona, la Madelon et autres sommets de l'Andorre.

On atteint sans difficulté le dôme sommital en vingt minutes. Panorama grandiose. Non seulement sur l’Estats et le Verdaguer, mais encore sur le Sutlo ou Sollo, les Guins de l’Aze, les Trois Comtes, le Rouge de Bassiès, les Trois Seigneurs, le Mont Rough, le Tristaina, le Médécourbe, la Canalbona. « Quel amoncellement de ruines que ce sommet du Montcalm, consigna d’Ussel, le découvreur de ces montagnes oubliées, rien que des pierres et toujours des pierres ! Il y en a de grosses et de petites ; de noires et de rouges. Depuis combien de temps sont-elles en ces endroits, démolies par le vent, la gelée, la foudre ? À signaler la pierre placée par les officiers géodésiens qui ont fait la triangulation générale de la France et que nous trouvons par hasard gisant avec les avec les autres ; elle porte le chiffre 825, sans doute 1825, et tourelle en ruines et une croix de saint-André. »

Ne subsistent aujourd'hui que de gros cairns effondrés et deux murets de pierre circulaires, sortes de cromlechs où on imagine fort bien les géodésiens et leurs hommes s’abriter des bourrasques. Une plaque commémorative rappelle la brutale fermeture de l’usine Péchiney d’Auzat en 2013.

Pour varier les perspectives, de retour au Pinet, on peut descendre par un itinéraire différent de l’aller, revenir par exemple par l’étang Sourd (1937 m) en prenant à droite du refuge un sentier bien tracé qui ramène à la bifurcation de l'orhy de Pla Nouzère puis au Chalet du Montcalm.

Historique

Au début du XVIIIe siècle, la Haute Ariège est un peu le continent perdu des Pyrénées. La région est jugée peu sûre, des ours et des loups infestent les forêts, des détrousseurs écument les vallées et rançonnent les étrangers. La frontière est le siège de fréquents accrochages, de longues caravanes de contrebandiers convoient bétail, cuir, coton, tabac et denrées coloniales au nez et à la barbe des douaniers. Des catastrophes naturelles (crues, avalanches, tempêtes) s’abattent régulièrement, décimant troupeaux et moissons. Les ponts emportés ne sont pas toujours reconstruits et le voyageur doit faire face à des routes défoncées, des relais vétustes, des auberges dépourvues de commodités, des autochtones peu amènes. À ce peu reluisant tableau, ajoutons que maintes rivières sont polluées, que les populations villageoises souffrent de malnutrition et de manque d’hygiène.

Et, à l’exception de celles de Cassini, achevées en 1789 mais publiées en 1815 et peu répandues, les cartes sont pour ainsi dire inexistantes, et d’aucune utilité en haute montagne. À la fin du XIXe siècle, ainsi que le fera remarquer Jean d’Ussel, le nom des pics, des vallées et des cours d’eau est encore sujet à caution : « Dans la montagne ariégeoise, il n’existe pour ainsi dire pas de noms officiels. Les pâtres qui habitent la montagne, et qui seuls ont besoin de noms, ne sont souvent pas d’accord les unes avec les autres selon qu’ils parcourent l’un ou l’autre versant. » Le guide Joanne de 1886 mentionne qu’il est indispensable, surtout si le temps n’est pas sûr, d’avoir un excellent guide pour explorer la région.

Bravant ces inconvénients, le géographe et géologue Henri Reboul et son ami Vidal de Mirepoix, accomplissent en 1792 plusieurs ascensions mineures comme celles du Crabère et du Saint-Bartlémy. En 1807, le botaniste suisse Augustin Pyrame de Candolle effectue la traversée d'Est en Ouest des Pyrénées pour répertorier la flore locale. Il s’éprend de l’Ariège, réalise la première ascension du Montcalm (3.071 m) avec le guide Simon Faure. « Le Montcalm, écrit-il, est un sommet remarquable, non seulement à cause de son apparence et de sa hauteur imposante, mais aussi à cause de sa formation. Il est avec les sommets voisins, la Pique d’Estats et la Punta de Médécourbe, composé de ce que M. de Mège classe sous le nom de "terrain de transition", ce sont parmi les montagnes de ce type les plus élevés des Pyrénées. »

De 1825 à 1827, les géographes Jean-Baptiste Corabœuf et Jean-Jacques Testu triangulent les Pyrénées orientales, et sont amenés à gravir dans des conditions terribles les grands sommets belvédères de l’Ariège, dont le Montcalm. Corabœuf consigne dans son rapport : « 4 septembre 1827. – On ne parvient au sommet du Montcal (sic) que par des passages très difficiles, que des hommes chargés auraient refusé par mauvais temps. Nous nous sommes mis en route le 13 août. Le 14, les passages difficiles ont été franchis et nous avons établi la tente à 12 minutes du signal. Mais du 15 au 28, nous n’avons pu utiliser pour l’observation que quatre jours. Orages, grêles, neige jusqu’à 1.200 m au-dessous de nous, brouillards, froids. »

En 1829, Chausenque se lance dans un long périple en Ariège, encore très inexplorée. L’exténuante ascension du Montcalm (3.071 m) croulant sous les neiges, en deux jours à partir de Vicdessos par la sauvage vallée de Soulcem lui inspire un récit qui frappa vivement Russell. Mémorable description du pays d’Aulus, inconnu avant son passage, « terre brillante de fraîcheur et de jeunesse. » C'est la gloire de Chausenque, affirme l’historiographe Béraldi, d’avoir promu les montagnes d’Ariège.